par Maryse Aulagnon, Présidente de la FSIF – Article paru dans Réflexions immobilières, n°88 – IEIF
Créée en 1935, la Fédération des sociétés immobilières et foncières (FSIF) rassemble les opérateurs immobiliers qui construisent, louent et gèrent au quotidien des biens immobiliers diversifiés tels que bureaux, commerces, hôtels, entrepôts logistiques, logements, résidences étudiantes ou maisons de retraite en France et à l’étranger.
Elle est composée de sociétés immobilières cotées et non cotées qui représentent au total 120 milliards d’euros d’actifs et 25 millions de mètres carrés ; ses adhérents cotés totalisent 63 milliards d’euros de capitalisation boursière, soit plus de 90 % de la capitalisation boursière du compartiment immobilier d’Euronext.
Maryse Aulagnon, Présidente nouvellement élue, fait le point sur l’activité de la FSIF et nous livre les grandes orientations pour la période à venir.
La FSIF est un acteur engagé dans le secteur de l’investissement immobilier depuis longtemps. Pouvez-vous nous rappeler quels sont ses principaux leviers d’action et les avancées majeures qu’elle a pu initier ?
La FSIF a toujours été le lieu de rencontre des sociétés immobilières, qu’elles soient cotées (ce sont les plus lourdes en termes de capitalisation), ou non cotées. La Fédération leur a offert un lieu de concertation, de réflexion, d’analyse des textes législatifs et réglementaires, qui ont été assez abondants au cours de ces quinze dernières années, et d’intermédiation vers les pouvoirs publics pour donner le retour de la profession sur les projets de textes. C’est donc un pôle extrêmement important de circulation de l’information et de discussion.
Parmi les actions majeures des quinze dernières années, il faut citer en premier lieu la contribution active de la FSIF à l’élaboration du régime SIIC1, inspiré du régime des REITs2 aux États-Unis, très précurseur en Europe, et ensuite copié par la plupart de nos voisins européens dans un souci de compétitivité de leurs places financières respectives. Je me rappelle qu’entre 2003 et 2007, dans chaque colloque européen, congrès de l’EPRA ou autre manifestation touchant à nos métiers, il y avait un groupe de travail sur les régimes SIIC européens.
La FSIF a également pris part à de nombreuses autres réformes (création de l’indice des loyers commerciaux et de l’indice des loyers d’activités tertiaires, évolution du statut des baux commerciaux, Grenelle de l’Environnement...).
Elle s’est aussi beaucoup investie sur les questions d’aménagement de la ville en travaillant étroitement avec les grandes métropoles. Signalons à ce titre son implication sur le Grand Paris. Dès le départ, notre profession s’est montrée très ouverte et positive sur le projet du Grand Paris et a apprécié ce qu’il allait apporter en termes d’animation du secteur, de création de foncier et de rayonnement pour la place de Paris.
Enfin la FSIF a été très active en matière de droit du travail : elle a présidé pendant quinze ans la Commission nationale régulièrement appelée à moderniser la Convention collective de l’immobilier.
Quels sont les principaux enjeux aujourd’hui pour la FSIF ?
Les modes de vie et les usages changent. L’immobilier doit être le moteur de la ville de demain et de ses habitants. L’enjeu pour la FSIF est d’initier et de prendre part à l’évolution du cadre réglementaire et législatif afin que les acteurs de l’immobilier puissent pleinement construire, aux côtés des collectivités, la ville de demain, intelligente, innovante et durable au service des usagers.
Nos adhérents sont avant tout « entrepreneurs de la ville », au sens tertiaire du terme. Aujourd’hui, par exemple dans les ZAC3 et autres projets d’aménagement urbains, s’instaure de plus en plus souvent une mixité des usages. Il est donc important que l’ensemble des acteurs, à commencer par nos membres, connaissent bien tous les mécanismes parce qu’ils sont aménageurs aux côtés de la ville et sont appelés à fédérer l’ensemble des opérateurs pour réaliser un projet. La FSIF les accompagne aussi dans ces réflexions, notamment dans le cadre de commissions et groupes de travail ad hoc.
Nous commençons également à envisager un autre sujet important, celui du logement, véritable sujet sociétal. Les sociétés immobilières cotées ne sont pas très présentes sur ce segment de marché, mais certaines comptent néanmoins des filiales de promotion dans le secteur résidentiel. Par ailleurs, plusieurs de nos membres contribuent au financement du logement social via Habitat et Humanisme.
Comment est réparti et organisé le travail sur ces différents thèmes ?
La FSIF compte sept commissions traitant chacune de sujets dédiés : commission juridique, commission développement durable, commission sociale, commission fiscale etc.
À titre d’exemple, la commission développement durable de la FSIF s’est réunie à plusieurs reprises pour travailler sur des propositions à faire dans le cadre de la concertation autour du décret tertiaire.
La commission juridique s’est, elle, penchée sur la transformation digitale au cœur des entreprises. La FSIF a ainsi lancé un partenariat avec LexisNexis afin de tester un outil de révision des contrats de bail utilisant l’intelligence artificielle4. Le but est de systématiser la mise à jour des baux lors de tout changement législatif ou réglementaire sans avoir à en faire une relecture exhaustive. Autre exemple, nous avons créé un groupe de travail sur la mise en place de la signature électronique des contrats de bail, déjà effective dans plusieurs sociétés adhérentes. Cela évite d’avoir à signer manuellement des documents qui sont de plus en plus épais, même s’il reste encore des locataires attachés au côté solennel de la signature manuscrite d’un contrat.
C’est au niveau de ces commissions et groupes de travail que sont menées les discussions et sont réunies les propositions ou suggestions qui seront ensuite présentées par la Fédération, notamment aux pouvoirs publics.
On observe une implication croissante des sociétés immobilières dans la résilience climatique. Comment se mobilisent vos adhérents autour de cette thématique ?
C’est un sujet extrêmement important, qui n’est pas nouveau. Les acteurs de l’immobilier y sont très sensibles depuis longtemps, ce qui s’est traduit par l’élaboration des labels en partenariat avec les promoteurs il y a déjà une quinzaine d’années. Les sociétés immobilières ont toujours eu le souci de la qualité́ de leur patrimoine, y compris au plan environnemental. Elles ont souvent innové dans ce domaine en construisant des bâtiments BBC, BEPOS5 ou dotés de façades végétalisées, de terrasses photovoltaïques.
L’implication de nos adhérents dans ces questions environnementales va bien au-delà̀ de l’effet de mode ou du « politiquement correct ». Ils sont bien sûr attentifs à la pérennité́ de leurs investissements mais aussi aux questions de gestion de leurs immeubles, à leur attractivité́ pour les locataires, à leurs coûts d’usage, etc. En tant qu’investisseurs de long terme, les sociétés immobilières sont tenues de concevoir et de construire des immeubles qui vivront bien et longtemps : quinze ou vingt ans avant une rénovation lourde, voire plus.
Reste la question du suivi dans le temps de la performance de l’immeuble, pour lequel nos adhérents se sont montrés pionniers. Les conditions de sa mise en place ne sont pas simples à réunir : il faut disposer de capteurs dans les immeubles, se faire communiquer des documents par les locataires, comme les factures d’électricité, etc. Concrètement, c’est une œuvre de longue haleine mais qui devrait s’accélérer car elle est considérée désormais comme une exigence forte et fait l’objet d’impulsions nouvelles données par les pouvoirs publics.
Un autre domaine, qui se recoupe avec celui de la résilience climatique et dans lequel nos adhérents sont fortement impliqués, est celui de la mutation et de l’adaptation de la ville. C’est devenu un lieu commun de parler du métabolisme urbain mais nous le vivons très directement puisque nos activités sont fortement ancrées dans le milieu urbain. C’est un sujet de réflexion et d’action au sein de nos commissions et au niveau fédéral, en liaison avec les pouvoirs publics et les autres professions : architectes, ingénieurs, urbanistes, historiens, sociologues, etc.
De quelle façon la FSIF accompagne-t-elle ses membres pour les aider à intégrer ces nouveaux défis dans leur modèle économique et dans leur stratégie d’investissement ? À titre personnel, quelles sont les orientations que vous souhaitez donner à votre action en tant que présidente ?
Après la période de transition que la FSIF a connue en 2018, la nouvelle équipe a maintenant réorganisé les groupes de travail et relancé l’activité des commissions, qui tournent désormais à plein régime. De nouvelles initiatives seront dévoilées prochainement. Pour ma part, j’entends poursuivre l’action de mes prédécesseurs sur les missions essentielles de notre Fédération : veiller aux évolutions législatives et réglementaires et y être partie prenante, mais aussi nous impliquer dans de nouvelles actions, par exemple parvenir enfin à l’allègement des procédures concernant le permis de construire, qui restent extrêmement lourdes en délais et en coût de portage pour les opérateurs.
À cet égard, il convient de signaler l’excellent accueil fait par nos membres au permis d’expérimenter, instauré par la loi ESSOC, qui autorise les maîtres d’ouvrage à proposer des solutions de constructions innovantes différentes de celles jusqu’alors imposées par le Code de la construction. Il faut toutefois démontrer l’équivalence des solutions proposées avec les règles existantes. La quasi-totalité des adhérents était présente au MIPIM, le 14 mars dernier, aux côtés des établissements publics d’aménagement et des promoteurs, pour participer à la signature avec le ministre de la Ville et du Logement, de la Charte de mobilisation des acteurs relative au permis d’expérimenter
De façon plus générale, un grand travail reste à faire sur l’évolution de la réglementation et sur son harmonisation si l’on veut répondre aux nouveaux enjeux de la ville de demain, et notamment au besoin de mixité des usages dans l’aménagement urbain. La distinction entre les typologies d’actifs immobiliers traditionnels est en train de s’estomper et la frontière devient floue entre bureaux et commerces ou entre bureaux et logements. La juxtaposition de commerces, de bureaux et de logements dans un même immeuble, longtemps considérée comme une anomalie par les investisseurs institutionnels, a encore besoin d’une harmonisation des normes pour se développer.
Vous rappeliez tout à l’heure que la FSIF avait été à l’origine du statut SIIC. Depuis son entrée en vigueur, ce statut a connu des évolutions. Où est-il aujourd’hui ? Donne-t-il toujours satisfaction ou nécessite-t-il des modifications ?
Le régime SIIC, très novateur en Europe lors de sa création en 2003, a connu depuis plusieurs paramétrages.
Dans la période récente, quelques mesures pénalisantes ont été prises. L’une d’elles a été mal acceptée par les épargnants, c’est l’exclusion du PEA7 des actions de SIIC. Il faut rappeler, en e et, que l’un des principaux objectifs de création du statut SIIC entait d’offrir un instrument d’épargne et de constitution de retraite à des épargnants qui, jusque-là̀, avaient difficilement accès aux sociétés immobilières cotées. Encore aujourd’hui, à chaque assemblée générale, des actionnaires personnes physiques nous demandent quand ils pourront remettre des actions de SIIC dans leur PEA.
Une autre mesure récente risque, elle aussi, de se révéler pénalisante : la hausse de l’obligation de distribution des plus-values, passée de 60 à 70 % depuis le 1er janvier 2019. Cette distribution supplémentaire va réduire d’autant les capitaux propres des SIIC et limiter leur capacité d’investissement.
Pour l’avenir, un groupe de travail au sein de la FSIF est en charge d’une réflexion sur l’évolution du statut SIIC et travaille sur deux points : le premier pour permettre aux SIIC de financer de nouveaux types d’actifs ; le second pour qu’elles puissent étendre leur offre de prestation de services afin de répondre aux besoins de nouveaux usages comme le coworking, les résidences étudiantes ou de personnes âgées, etc. qui associent fourniture d’espaces et de services.
Les SIIC françaises, qui ont aujourd’hui des homologues dans 70 pays, sont un véhicule indispensable à la compétitivité de la place financière de Paris : elles constituent un véhicule d’investissement apprécié des grands investisseurs institutionnels, notamment étrangers, et contribuent à attirer des capitaux étrangers vers la France, capitaux qui sont ensuite convertis en investissements de développement des villes françaises, et contribuent à la création d’emplois directs et indirect. Elles apportent également aux investisseurs individuels une variété d’actions dans un secteur apprécié et généralement bien compris.
Parlons un peu « marchés » pour terminer. Comment se portent les sociétés immobilières cotées, en France et comparativement à leurs homologues internationales ?
La situation économique des SIIC est assez aisée à suivre. Le seul fait d’être cotées les conduit à beaucoup communiquer sur leur activité et leurs résultats : deux fois de façon légère aux premier et troisième trimestres et deux fois complètement à l’occasion de la présentation des comptes semestriels et annuels. Pour nos adhérents cotés, c’est un rendez-vous important avec leurs actionnaires et avec les marchés par le biais des analystes. Le secteur avance donc en toute transparence.
L’année 2018 a été plutôt bonne, avec une activité forte et un nombre important de transactions, tout particulièrement à Paris et en Île-de-France, les deux marchés les plus animés de notre pays. Le niveau de transactions est un signal important de la santé du secteur. En effet, quand un immeuble est arrivé à maturité chez un investisseur et qu’il est remis sur le marché, il trouve une nouvelle jeunesse : il est rénové par un nouvel investisseur qui a de nouvelles idées, engage des travaux de mise aux normes et d’amélioration de la qualité esthétique et environnementale de l’immeuble. Tout cela participe à l’animation du secteur et, plus généralement, à l’économie du pays.
À ce propos, il convient d’attirer l’attention des élus locaux sur les conséquences dommageables qu’aurait, pour l’activité économique des territoires, un relèvement des droits de mutation que certains semblent souhaiter. On se souvient que la réforme de 2010 de la redevance pour création de bureaux destinée au financement du Grand Paris, qui a étendu cette redevance aux locaux de stockage et aux commerces en augmentant considérablement les tarifs, a eu un impact très négatif sur la logistique et l’écologie : elle a chassé les entrepôts de l’Île-de- France parce que le niveau des taxes atteignait, voire dépassait, celui des loyers. Ce fut un coup d’arrêt immédiat pour l’implantation de nouveaux entrepôts dans la région capitale. La FSIF a d’ailleurs agi pour demander la révision du zonage et des tarifs afin de remédier aux situations les plus anormales.
Au plan international, la France, et tout particulièrement le pôle tertiaire Paris-La Défense, est le marché le plus profond d’Europe et le préféré des investisseurs étrangers. Ce constat global doit toutefois être nuancé par classe d’actifs ou géographie d’investisseurs. Pour le résidentiel, l’Allemagne, depuis trois ou quatre ans, a le vent en poupe ; Londres reste la destination privilégiée des investisseurs du Moyen-Orient et d’Asie. Mais si l’on s’en tient à la capitalisation boursière des foncières cotées, celle des SIIC (proche de 65 milliards) est plus élevée que celle des foncières cotées de la place londonienne.
Pour mesurer le chemin parcouru par les SIIC, il suffit de rappeler qu’avant la création du statut, la classe « immobilier » n’existait pas à la cote de Paris : les foncières cotées, étant considérées comme des entreprises financières, étaient classées avec les banques et représentaient 0,9 % de la capitalisation boursière. Elles pèsent à présent 3,3 % de la capitalisation totale de la place de Paris. Par rapport aux autres pays, nous sommes devant l’Angleterre, l’Allemagne et l’Italie. L’immobilier est devenu aujourd’hui une classe d’actifs reconnue comme telle, et un véritable secteur industriel, animé par des entreprises citoyennes.
1. Sociétés d’investissements immobiliers cotées.
2. Real Estate Investment Trusts.
3. Zone d’aménagement concerté.
4. Sur l’intelligence artificielle et le partenariat avec LexisNexis, voir dans ce dossier l’interview de Sébastien Chemouny.
5. BBC : bâtiment basse consommation ; BEPOS : bâtiment à énergie positive.
6. L’article 49 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un « État au service d’une société de confiance » (ESSOC) habilite le gouvernement à procéder en deux étapes : faciliter la mise en œuvre de solutions alternatives au droit commun dans les projets de construction et réécrire les règles de la construction pour autoriser de plein droit les maîtres d’ouvrage à mettre en œuvre des solutions techniques ou architecturales innovantes.
7. PEA : plan d’épargne en actions. Les actions de SIIC ne sont plus éligibles au PEA depuis 2011.